Le Lab’Afev fait un zoom sur Socrate

Entretien avec Julie Tartarin, directrice de Socrate, par Le Lab’Afev

 

Dans le paysage des associations qui luttent contre les inégalités scolaires, quelle est la spécificité de Socrate?

De très nombreuses associations et dispositifs publics organisent le soutien à la scolarité. Et comme bon nombre de ces acteurs, Socrate fonctionne grâce à l’implication de nombreux bénévoles : chez Socrate, ceux-ci sont exclusivement des lycéen.nes. Ils sont 400 chaque année et ils accompagnent en binômes 400 enfants du CP à la 3ème. Ils interviennent dans le cadre d’accompagnements individualisés mais collectifs, au sein des établissements scolaires.

 

Quelles sont les motivations d’un.e lycéen.ne à s’engager dès l’âge de 14 ou 15 ans ?

Les motivations varient selon les établissements.

Dans les lycées assez ou très réputés, on entend souvent les élèves nous dire qu’ils n’ont jamais vraiment eu de difficultés scolaires, qu’ils sont conscients des raisons pour lesquelles leurs trajectoires personnelles ont été facilitées par l’origine sociale et les situations professionnelles de leurs parents.

Souvent, ils concluent : « J’ai eu de la chance, mais je sais que ce n’est pas le cas de tout le monde. C’est pour cela que je m’engage pour Socrate, je veux offrir à d’autres la chance dont j’ai pu, moi-même, bénéficier. »

Dans des lycées plus mixtes socialement et sociologiquement, on retrouve d’autres types de motivations. Le plus bel exemple étant, après 15 ans d’existence de l’association, de retrouver des anciens enfants bénéficiaires de l’action de Socrate lorsqu’ils étaient en primaire ou au collège, devenir des lycéen-ne-s bénévoles. Ces situations sont particulièrement émouvantes.

Nous rencontrons aussi des lycéen-ne-s qui suivent simplement leurs ami-e-s, ne sachant pas vraiment exprimer leurs motivations. Pour eux cette implication est banale, « C’est normal, j’ai le temps, je viens ».

 

Sélectionnez vous les lycéen-ne-s qui participent aux actions de Socrate ?

Socrate ne sélectionne pas les lycéens. Le sens de notre démarche repose sur la motivation d’un.e jeune adolescent.e à intégrer, dès l’âge de 15 ans, une action de solidarité.

Cet engagement est précieux car il est volontaire. Il intervient à un moment de la vie où les jeunes ont assez d’autonomie pour choisir comment concilier emploi du temps scolaire et personnel, et bâtissent leur identité citoyenne : Socrate contribue à cette construction.

Par ailleurs, la diversité des personnalités et des profils des lycée-ne-s engagé.es implique que notre suivi des bénévoles soit individualisé et différencié. Certain-e-s ont plus d’aisance que d’autres. Il y a des pédagogues né-e-s, d’autres qui tâtonnent… C’est le rôle des animateurs et animatrices de guider chacun, de former individuellement ou en groupe ces jeunes engagé-e-s.

Qu’on se le dise : un.e excellent-e élève au lycée ne fait pas forcément un.e bénévole plus à l’aise dans la pratique de l’accompagnement scolaire !

 

Comment formez-vous les groupes Socrate ?

A la rentrée scolaire, un double travail est mené de front.

D’une part, dans les collèges et les écoles primaires partenaires de notre association, les équipes pédagogiques proposent à certaines familles d’inscrire leur enfant dans le dispositif Socrate. Il s’agit le plus souvent d’enfants dont les capacités de travail personnel sont freinées par la situation socio-économique et/ou socio-culturelle à la maison.

Les accompagnements proposés se déroulent en dehors du temps scolaire ou périscolaire, mais toujours au sein des établissements des plus jeunes.

D’autre part, Socrate organise des campagnes de recrutement avec les lycées partenaires du projet. Nous devons, notamment, travailler sur les disponibilités de chaque bénévole, sa mobilité géographique, pour lui proposer un établissement d’intervention le plus adapté à sa situation.

A partir de la rentrée de la Toussaint, tous les bénévoles se retrouvent dans les établissements au sein desquels ils interviennent, et nous constituons les binômes.

Ainsi, chaque semaine, les lycéens rejoignent les plus jeunes et s’installent à deux, quatre ou en petit groupe pour travailler et échanger sur leurs scolarités respectives, aider sur la méthodologie, revoir les évaluations, faire les devoirs. Ils proposent des activités ludiques et des jeux de société choisis pour leur intérêt pédagogique. L’objectif est de développer des savoirs et des compétences requises pour la poursuite des apprentissages scolaires.

 

Concrètement, comment cela se passe-t-il ?

Nos groupes sont constitués de 5 à 15 binômes encadrés par des animateurs.trices et dans certains établissements des Volontaires en Service civique.

Ensemble, ils veillent à ce que les binômes trouvent leur rythme et leur propre mode de fonctionnement. Ils insistent pour que les lycéen-ne-s conservent leur naturel de lycéen-ne-s : l’objectif n’est pas qu’ils miment leurs propres professeurs. Ils se concentrent sur les questions de bien-être scolaire, transmettent l’expérience de leur propre scolarité en insistant sur la motivation et les aspects positifs, partagent le fruit de leurs propres réflexions d’élèves. Ils sont très conscients qu’ils incarnent un modèle aux yeux de l’enfant ou de l’ado qu’ils tutorent.

Pour résumer, je citerai le message que nous adressons à l’ensemble de nos bénévoles au début de leur engagement : « Vous lycéen.nes aujourd’hui, qu’auriez-vous aimé entendre de la part d’un aîné quand vous stressiez à cause de l’école ? Pensez à cela très fort et vous serez de chouettes soutiens pour vos binômes. »